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Il est sans nul doute possible de traverser la vie sans que l’on sache que l’on est autiste
 Pour cela il suffit juste de ne pas savoir ce que c’est


Et si les autistes Ă©taient plus nombreux qu’on ne le croit ?


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Le diagnostic d’autisme est souvent considĂ©rĂ© comme une tragĂ©die. Mais pour Jac den Houting, c’est la meilleure chose qui lui soit jamais arrivĂ©e.

Jac den Houting est une psychologue de recherche et un activiste autiste Ă  la recherche de la justice sociale.

Jac den Houting occupe actuellement le rĂŽle d’associĂ© de recherche postdoctorale Ă  l’UniversitĂ© Macquarie de Sydney, aux cĂŽtĂ©s du professeur Liz Pellicano.

Elle s’identifie fiĂšrement comme « neuro-divergente ».

Nous savons que la Terre est ronde. Tout ce que nous savons Ă  propos de cette planĂšte est basĂ© sur l’hypothĂšse fondamentale que la Terre est ronde. Mais il y a eu une Ă©poque, il n’y a pas si longtemps que ça, oĂč nous savions que la Terre Ă©tait plate.

C’est ce qui s’appelle un changement de paradigme.

Notre hypothÚse fondamentale à propos de la Terre a changé, car nous avons obtenu des preuves démontrant que nos hypothÚses précédentes étaient fausses.

Tout comme la forme de la Terre, il existe Ă©galement des hypothĂšses Ă  propos de l’autisme.

La plupart des gens comprennent l’autisme d’un point de vue mĂ©dicale. Ils considĂšrent l’autisme comme une pathologie, un trouble, ou mĂȘme une tragĂ©die.

Selon le paradigme mĂ©dical, on nous fait croire qu’il y aurait une maniĂšre correcte de se dĂ©velopper neurologiquement, qu’il y aurait une bonne maniĂšre pour notre cerveau de fonctionner, la maniĂšre « normale ». Et que tout autre maniĂšre de se dĂ©velopper est mauvaise, ayant besoin d’ĂȘtre traitĂ©e et corrigĂ©e.

En 2011, quand j’ai eu 25 ans, j’ai Ă©tĂ© diagnostiquĂ© autiste, et ce n’était pas une tragĂ©die. C’était la meilleure chose qui m’était jamais arrivĂ©.

DĂ©couvrir que je suis autiste m’a apportĂ© un incroyable sentiment de soulagement. Toute ma vie, Ă  ce moment, avait enfin du sens.

Mon paradigme Ă  propos de moi-mĂȘme avait changĂ©.

...

...

Je n’étais pas une personne neurotypique en Ă©chec. J’étais une personne autiste, parfaitement normale.

AprĂšs mon diagnostic, j’ai fait ce que la plupart d’entre nous auraient probablement fait : Je suis allĂ©e voir le « Docteur Google », (Rires) et j’ai commencĂ© Ă  faire des recherches sur l’autisme.

Finalement, je suis allĂ©e au-delĂ  du « Docteur Google », j’ai fait une thĂšse sur l’autisme, et je suis devenue moi-mĂȘme docteur. Aujourd’hui je suis fiĂšre de faire partie des personnes autistes de plus en plus nombreuses qui travaillent dans la recherche sur l’autisme.

Mais, au dĂ©but, Je ne menais pas de projet de recherche complexe. J’essayais seulement d’en apprendre plus sur moi-mĂȘme. Et, en effet, j’ai appris sur moi-mĂȘme. J’ai Ă©tĂ© bombardĂ©e d’informations. J’ai Ă©tĂ© bombardĂ©e d’informations concernant mes dĂ©ficits !

L’autisme cause des dĂ©ficits d’interactions sociales, des dĂ©ficits communicationnels, des comportements limitĂ©s et rĂ©pĂ©titifs, des dĂ©ficits de traitements sensoriels.

Pour moi, ces informations n’avaient pas de sens. DĂ©couvrir que j’étais autiste avait complĂštement changĂ© ma vie pour le meilleur.

Comment quelque chose d’aussi positif pour moi pouvait ĂȘtre une aussi mauvaise chose ?

Je suis donc retournĂ©e voir le « Docteur Google », mais cette fois j’ai cherchĂ© plus profondĂ©ment


J’ai commencĂ© Ă  trouver des informations Ă  propos de l’autisme qui Ă©taient Ă©crites, non pas par des chercheurs ou d’autres professionnels, mais par des personnes elles-mĂȘmes autistes.

J’ai dĂ©couvert une chose appelĂ©e le « paradigme de la neurodiversité ». Le paradigme de la neurodiversitĂ© est une maniĂšre alternative de penser l’autisme.

Il dĂ©crit l’autisme comme faisant partie d’un spectre de variations naturelles dans le dĂ©veloppement neurologique de l’humain. Et c’est final trĂšs simple, l’autisme est une maniĂšre de diffĂ©rente penser.

De la mĂȘme maniĂšre que la biodiversitĂ© aide Ă  crĂ©er un environnement physique sain et durable, la neurodiversitĂ© peut aider Ă  crĂ©er un environnement cognitif sain et durable.

Selon le paradigme de la neurodiversitĂ©, il n’y a pas de bons ou mauvais cerveaux. Toutes les formes du dĂ©veloppement neurologique sont pareillement valides et pareillement importantes. Et peu importe quel type de cerveau vous avez, toutes les personnes ont le droit d’ĂȘtre traitĂ©es de façon inaliĂ©nable et Ă©gale au regard des droits de l’homme et d’ĂȘtre traitĂ©es avec dignitĂ© et respect.

Bien, ça sonne comme une panacée, je sais.

Traiter les personnes avec dignitĂ© et respect
 Ça paraĂźt on ne peut plus sensĂ©.

Vous pourriez alors ĂȘtre Ă©tonnĂ©s d’apprendre qu’une maniĂšre plutĂŽt commune de rĂ©agir Ă  cette idĂ©e est
 « Je ne sais pas
 Je veux dire, d’accord pour toi, mais ça ne s’applique pas Ă  tout le monde. Et pour ces personnes ? Ils sont vraiment autistes. Ils ne sont pas juste diffĂ©rents ; ils sont handicapĂ©s. »

Eh bien
 Peut-ĂȘtre que vous ne vous en rendez pas compte juste en me regardant, mais je suis handicapĂ©e moi aussi. Je ne suis pas handicapĂ©e par mon autisme, par contre, je suis handicapĂ©e par mon environnement.

C’est un autre changement de paradigme.

La maniÚre dont nous pensons habituellement au handicap est basée sur un modÚle appelé la modÚle « médicale du handicap ».

Le modÚle médical présuppose que le handicap est un problÚme individuel.

Il place le handicap au sein de chaque personne handicapĂ©e. À l’intĂ©rieur de moi.

Par exemple, j’ai vraiment du mal avec les centres commerciaux. Ils sont bruyants, trĂšs illuminĂ©s, ils sont imprĂ©visibles, ils sont pleins de gens.

Le modĂšle mĂ©dical dirait que j’ai du mal avec les centres commerciaux, car il y a un problĂšme dans la maniĂšre dont mon cerveau traite ces donnĂ©es parce que je suis autiste.

Mais il y a une autre maniĂšre de penser le handicap. Ça s’appelle le « modĂšle social de handicap ». Dans le modĂšle social, le handicap survient quand l’environnement d’une personne ne satisfait pas ses caractĂ©ristiques individuelles.

Dans le modĂšle social, on ne fait pas rĂ©fĂ©rence Ă  une personne handicapĂ©e. Le handicap n’est pas quelque chose que je porte tel un bagage. À la place, nous utilisons le mot « handicapé » en tant que verbe. Le handicap est quelque chose qui m’est infligĂ©. Je suis activement « rendue infirme » par la sociĂ©tĂ© qui m’entoure. [NDT : Elle utilise le verbe « disabled » que l’on traduit par « dĂ©sactiver », et qui comme adjectif veut dire « infirme »]

Quand je vais au centre commercial, Je n’ai pas de difficultĂ©s parce qu’il y a un problĂšme avec moi ; j’ai du mal parce que le centre commercial est conçu d’une maniĂšre qui ne satisfait pas mes besoins.

Si on commençait Ă  concevoir des centres commerciaux qui Ă©taient calmes, faiblement Ă©clairĂ©s, prĂ©visibles, et peu frĂ©quentĂ©s, eh bien, je serais toujours autiste, mais je ne serais peut-ĂȘtre plus handicapĂ©e par les centres commerciaux.

Presque l’intĂ©gralitĂ© de ce que nous savons de l’autisme provient de recherches qui sont basĂ©es sur des hypothĂšses mĂ©dicales et des paradigmes mĂ©dicaux.

Nous dĂ©pensons des centaines de millions de dollars, mondialement, chaque annĂ©e, dans la recherche sur l’autisme. Et la grande majoritĂ© de cette recherche conceptualise l’autisme comme un problĂšme.

RĂ©cemment, j’ai menĂ© une Ă©tude examinant comment le financement de la recherche sur l’autisme a Ă©tĂ© investi en Australie au cours des 10 derniĂšres annĂ©es. Voici ce que j’ai trouvĂ©.

  • Plus de 40 % du financement a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă  la recherche gĂ©nĂ©tique et biologique, essayant de dĂ©terminer pourquoi les autistes sont comme ils sont et s’il y a une maniĂšre de l’empĂȘcher.
  • 20 % des financements sont allĂ©s Ă  la recherche enquĂȘtant sur des traitements de l’autisme, dont la plupart essaient de trouver des moyens de faire agir les autistes juste un peu moins bizarrement.
  • Seulement 7 % des financements sont allĂ©s Ă  la recherche enquĂȘtant sur des services aidant les personnes autistes.

Pourquoi est-ce que ça a de l’importance ? Eh bien


  • Environ 1 personne sur 50 est autiste.
  • Environ 60 % des adultes autistes sont sous-employĂ©s ou au chĂŽmage.
  • 87 % d’entre nous sont touchĂ©s par des maladies mentales.
  • Les personnes autistes ont neuf fois plus de chances que la population gĂ©nĂ©rale de mourir par suicide.
  • Nous avons une espĂ©rance de vie moyenne de seulement 54 ans.

Et nous méritons mieux.

En 2012, un chercheur autiste nommĂ© Dr. Damian Milton a proposĂ© une nouvelle thĂ©orie. Il l’a appelĂ© le « problĂšme de la double empathie ».

Et voici ce qu’il suggĂ©rait : peut-ĂȘtre que les personnes autistes n’ont en fait pas de dĂ©ficits sociaux. Peut-ĂȘtre nous entendons-nous mieux avec les personnes qui pensent comme nous. Peut-ĂȘtre les personnes autistes se socialisent-elles mieux avec d’autres personnes autistes et que les personnes non-autistes se socialisent mieux avec d’autres non-autistes.

Peut-ĂȘtre les difficultĂ©s que nous voyons quand autistes et non-autistes essaient de socialiser ne sont pas dues aux dĂ©ficits sociaux des autistes, mais dues au fait que les personnes autistes et non-autistes ont du mal Ă  communiquer d’une maniĂšre qui a du sens pour l’autre.

Pour la communautĂ© autiste, cela faisait tout Ă  fait sens. Mais beaucoup de chercheurs sur l’autisme n’étaient pas aussi enthousiastes. J’imagine qu’ils n’ont peut-ĂȘtre pas aimĂ© l’idĂ©e que toute l’histoire de la recherche sur l’autisme pouvait ĂȘtre basĂ©e sur des hypothĂšses imparfaites.

Heureusement, ces derniÚres années, une poignée de chercheurs autistes ont rallié le problÚme de la double empathie, et ils ont décidé de la tester scientifiquement.

Dans une toute nouvelle Ă©tude du Dr. Catherine Crompton de l’universitĂ© d’Édimbourg, ils l’ont fait en utilisant une tĂąche appelĂ©e une « chaĂźne de diffusion ». Ce qu’en Australie on appelle, c’est un peu politiquement incorrect, « tĂ©lĂ©phone arabe ». Je suis sĂ»re que vous connaissez tous. Vous chuchotez une phrase entre un groupe de personnes, l’une aprĂšs l’autre, et vous tentez d’en conserver l’exactitude autant que possible.

Et si vous y avez jouĂ©, vous savez que la partie exactitude est plutĂŽt difficile. La premiĂšre personne chuchotera une phrase parfaitement innocente : « Aujourd’hui je dois payer mon loyer et aller chercher de nouveaux pneus ». Mais la derniĂšre personne : « Donald Trump est prĂ©sident, et le monde est en feu ». (Rires)

Eh bien, Ă  Édimbourg, ils ont jouĂ© Ă  ce jeu avec trois groupes de participants.

  • Le premier groupe ne comptait que des personnes autistes.
  • Le deuxiĂšme groupe ne comptait que des personnes non-autistes, ou neurotypiques.
  • Et le troisiĂšme groupe Ă©tait une combinaison de personnes autistes et neurotypiques.

Les chercheurs ont dĂ©terminĂ© que les groupes composĂ©s uniquement d’autistes ou de neurotypiques Ă©taient pareillement exacts dans leur partage d’information, mais que le groupe mixte d’autistes et neurotypiques Ă©tait significativement moins exact et moins clair dans son partage d’informations.

Cela suggĂšre que les personnes autistes et non-autistes communiquent de façons Ă©galement bonnes. C’est le dĂ©calage entre les styles de communication qui cause les problĂšmes. Exactement comme le prĂ©dit le problĂšme de la double empathie.

Nous avons besoin d’un changement de paradigme dans la maniĂšre dont nous rĂ©flĂ©chissons Ă  propos l’autisme. Nous devons reconnaĂźtre que, peut-ĂȘtre, « agir moins bizarrement » n’est pas la meilleure solution pour une personne autiste. Nous avons besoin de services et de soutiens qui nous aideront Ă  vivre de longues, heureuses et Ă©panouissantes vies tout en respectant notre droit Ă  ĂȘtre authentiquement autistes.

Et nous avons besoin du genre de travaux que je mÚne : de la recherche menée par des personnes autistes qui réponde aux questions auxquelles les autistes veulent des réponses.

Car la Terre n’est pas plate, et je ne suis pas une tragĂ©die.

Merci (Applaudissements)


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Autres références

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